Je me rappelle très bien de ce moment. J’habitais dans un petit village près de Grenoble. Il n’y avait aucune route plate… exceptés les chemins agricoles ! C’est sur ces petits sentiers tout cabossés que j’ai appris à faire du vélo et c’est là qu’est né mon amour du VTT. ****Aujourd’hui encore, je suis fasciné par le “flow” que me procure cette activité, un mélange de pure adrénaline et de plaisir, quand le cerveau est 100% concentré sur la tâche. Ce shoot d’endorphines, très typique du sport extrême, on y devient vite accro !
Tôt ! Au collège, déjà, j’étais passionné, je me sentais chez moi et en harmonie dessus. J’ai su que quoiqu’il arrive, ce serait mon fil d’ariane, qu’importe le métier. Devenir moniteur s’est imposé a la suite de mon DUT technique de commercialisation, car je ressentais ce besoin très fort de transmettre ma passion.
MCF est un réseau de professionnels encadrant la pratique du vélo, créé à Grenoble en 1999. Notre métier est un peu “bicéphale” : il y a l’activité de guide pour encadrer des voyages ou des randonnées à vélos, et celle de moniteur, pour donner des cours de pilotage de vélo, en ville ou en montagne. Tous les moniteurs ont les deux profils, certains choisissent l’une ou l’autre voie, et d’autres mixent les deux. Nous sommes aujourd’hui 1400 MCF sur tout le territoire.
C’est partout, je crois ! C’est mon loisir, ma passion, mon travail, mon mode de déplacement et de mobilité. A tel point que ça contamine mes proches, ce dont je suis particulièrement fier. Un monde à vélo est un monde plus beau !
L’ère du vélo revient, il reprend la place et l’intérêt qu’il n’aurait jamais dû quitter, au quotidien, mais aussi comme loisir et en vacances. Je travaille dans ce secteur depuis 20 ans et je vois une véritable évolution depuis une dizaine d’années. Mais le véritable tournant a eu lieu après covid, qui a replacé le vélo dans l’esprit des gens. Le gouvernement, également, le prend beaucoup plus au sérieux. Il y a un plan vélo, de plus en plus d’acteurs puissants, comme France vélo tourisme, Vélo et territoires. Toute une filière s’est créée, parmi laquelle un groupe de travail sur le tourisme à vélo, dont MCF fait partie. Et ce sujet est désormais pris très au sérieux car la filière pèse désormais dans les enjeux économiques, climatiques et énergétiques.
L’envie d’un retour à la nature, d’un besoin de ralentir, de faire les choses à la bonne vitesse. Il n’y a qu’à voir l’intérêt croissant pour les loisirs et l’expérience d’itinérance. En tant que moniteur et guide, on voit débarquer de nouvelles générations, très différentes des cyclotouristes à l’ancienne. Ce public est souvent plus urbain, il n’a pas toutes les connaissances du vélo, mais il sait que c’est le médium parfait pour un tourisme qualitatif : avec le vélo, le déplacement fait partie intégrante du voyage et de l’expérience. La vitesse fait qu’on peut s’imprégner des paysages mais aussi faire des rencontres et se ressourcer pleinement : à vélo, on peut tout aussi. bien admirer le paysage et laisser divaguer sa pensée.
Le “toujours plus loin toujours plus vite plus fort”, on voit où ça nous mène… Le vélo remet du sens dans nos vies, sans renoncer au déplacement et au voyage. Avec le vélo, ce n’est pas : “rester chez vous, arrêtez de bouger, ne faites plus rien, privez-vous !” C’est “venez, on voyage autrement”.
Complètement ! C’est un flash back, on revient à l’ère post-industrielle, et on se réapproprie une forme de voyage qu’on avait oubliée, celle de la quête. À l’époque, on faisait plutôt des pèlerinages. Ce voyage racontait quelque chose, c’était un récit en soi, comme lorsqu’on partait sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. C’est ça qui est intéressant dans le voyage : composer sa propre expérience. Le vélo n’est que le fil conducteur de cet itinéraire, c’est un peu son moteur, aussi, pour nous permettre de redevenir acteurs de nos voyages. C’est un peu le contrepied du touriste assis dans l’avion, assis dans le minibus, assis dans le car, qui descend faire des photos puis se rassoie de nouveau, dans une forme de frénésie passive. La temporalité est fondamentale dans le voyage et le vélo répond à cela : il n’est ni trop lent ni trop rapide.
Nous avons un rôle a part entière, à travers deux missions principales : d’abord, nous organisons des séjours à vélo en liberté ou encadrés, comme guides lors de voyages itinérants. Ensuite, nous participons à faire comprendre et à apprécier les destinations, parce que nous garantissons la meilleure expérience possible. Pour un public averti, ce qui est encore beaucoup le cas avec l’itinérance en montagne et en zone rurale, on assure une expérience incroyable. On emmène les gens aux bons endroits, sur les bons parcours. Pour les publics moins connaisseurs, il y a encore beaucoup de choses à savoir sur le vélo et les conditions optimum pour profiter d’un parcours de qualité. Nous transmettons énormément d’informations, de savoirs, d’astuces qui concourent à faire de cette expérience un moment inoubliable. MCF joue un peu au scout, quelque part : il prépare cette aventure dont on ne maitrise pas toujours tous les angles morts. Et finalement, on participe aussi à amplifier le slow travel, parce qu’on forme les gens à gagner en réassurance et en sécurité, pour devenir des cyclistes plus avertis, plus autonomes dans la gestion de leur monture.
Voir que des gens de mon entourage, y compris les plus réticents, me demandent des conseils pour jouer le jeu de cette aventure à deux roues, sur la Via Rhona, le long du canal du midi. Contribuer à ce que leur première expérience soit tellement parfaite qu’ils veuillent transformer l’essai et devenir des adeptes du vélotourisme. C’est un engin mécanique complexe et le conte de fées peut vite se transformer en cauchemar si on n’a pas les bonnes infos, quand bien même la galère fait partie du voyage. On n’est pas toujours sur des véloroutes et des voies vertes…et c’est difficile de ressentir un sentiment de liberté quand on n’est pas maitre de sa monture. Je nous vois vraiment comme des passeurs de savoir. Et je crois qu’on réussit plutôt bien, car j’ai quasiment tous les jours des remerciements sur notre mission : une petite correction sur un freinage, une position, un regard loin devant pour avoir une vision périphérique et profiter des paysages, le choix de l’équipement, la hauteur de la selle… Quand tu maitrises tout ça, tu sors de l’effort, tu relèves la tête et enfin, tu prends ton pied parce que tu combines plaisir physique et plaisir visuel !
Il y a encore un travail à faire sur les mentalités, notamment pour faire en sorte que l’écosystème du tourisme soit plus vélo-friendly. En Espagne, au Portugal, en Italie, on est bien accueillis. Ce n’est pas toujours le cas en France. Il y a aussi des curseurs à faire bouger. Aujourd’hui, on a un super label, Accueil Vélo, mais il devrait être plus accessible et moins contraint dans son développement. Par exemple, la France sous-exploite son réseau de routes secondaires, pourtant gigantesque et d’une richesse incroyable ! Il devrait être valorisé, en complément des véloroutes, voies vertes et des grands itinéraires que tout le monde connait. Enfin, il faut accélérer le savoir rouler à l’école. Il se déploie partout en France et c’est une chance, mais il devrait être complété par des expériences de randonnées à vélo et en itinérance de deux ou trois jours, dès l’école primaire. Cela permettrait à tous les élèves de s’imprégner de l’art de vivre et des valeurs fondamentales du cyclisme qui, je crois, sont particulièrement humanistes : la solidarité, la simplicité, l’effort, l’aventure, mais aussi un art de vivre à la fois épicurien (on découvre aussi le patrimoine gastronomique !) et sobre (circuit court, manger sain et bio).
Il sera plus réfléchi, plus raisonné, de proximité, décarboné. Faire son selfie sur tous les spots incontournables du globe ne sera plus la chose la plus hype. On cherchera, je l’espère, plus d’authenticité. Evidemment, le vélo y trouvera sa place, pour se rendre à destination ou pour visiter sur place, mais soyons pragmatiques, il ne pourra pas tout résoudre.
Il restera très simple. On se dirige vers l’ère de la sobriété… Or le vélo n’a besoin de personne d’autre que son maître : pas besoin de lui donner à boire, ni de le faire dormir, juste de l’entretenir un peu. Les bécanes du début du siècle qui n’ont pas pourri dans les caves roulent encore très bien et elles continueront encore de tout traverser. Si on est un peu fous et qu’on s’imagine un scénario à la Mad Max, on peut même imaginer que le vélo sera la dernière technologie qui survivra. Trois bouts de soudure et vous avez des supers pouvoirs !.
Une musique pour les virages : “Ces années-là”, version Yannick, pour la blague.
Une musique pour les descentes : “Vaudoo child”, Jimmy Hendrix, pour xxx
Une musique pour les montées : “On lâche rien”, Saltimbanques, pour se motiver quand on est face à un gros col à passer
Un podcast pour chiller sur son vélo : “Very good trip”, de Mishka Assayas (France Inter), qui part toujours à la rencontre d’artistes et de courants musicaux incroyables.
Un livre pour partir à l'aventure : “Un an de cabane”, d’Olaf Candau, sorti bien avant le carton ciné d’”Into the Wilde”. L’histoire d’un champion VTT de la 1ʳᵉ heure (dans les années 80), parti vivre dans une cabane isolée du Yucon (Canada) en toute autonomie pendant un an… Ça m’a fait énormément rêver !